A Pibarnon, Décembre 2016

Chers Amis de Pibarnon, 

Hier sous un soleil radieux d’été indien, au cœur d’une fin de saison magnifique et douce, aujourd’hui presque sous la neige, abrités du mistral glacial… L’hiver fait une entrée soudaine. Les vendanges étant passées, les vins vinifiés ou en cours de malo, c’est le moment de vous donner quelques nouvelles, en attendant de sortir tirer les quelques grives qui ne vont pas manquer de descendre après ce premier coup de froid. 

LE MILLESIME 2016

Ici, l’année a été particulièrement épargnée par les aléas climatiques qui ont touchés nos malheureux confrères de nombreuses régions. Nous n’avons eu aucun gel, aucune grêle, aucune pluie néfaste et propice au développement du mildiou. Ici, c’est un  millésime sain, chaud, équilibré, qui s’est présenté, avec cependant un déficit sévère en précipitations. Une sécheresse qui n’a aucune incidence sur la qualité du vin, bien au contraire, puisque 2016 produit des baies de petite taille, avec une matière magnifique et un grand potentiel. Il y a aussi fort à parier que les principes de Biodynamie (dont je développe plus loin l’idée), entamés depuis le printemps, ont contribué à cette qualité et à l’épanouissement des vignes. 

En revanche, l’incidence est tout de même palpable en terme de rendement : ces petites baies produisent moins de jus, et nous accusons une baisse d’environ 20% dans les 3 couleurs… 2016 va se faire rare… Cela sera particulièrement sensible en Blanc et en Rosé, tandis qu’en Rouge, le long élevage, puis l’attente en  bouteilles occulteront un peu ce manque. 

Au moment où je vous écris, je reviens tout juste de la  cave où Marie et moi venons de tout déguster. On  peut dire que c’est magnifique. Il ne reste plus qu’une cuve de Rosé en train de finir sa fermentation, le reste est terminé, les malos sont enclenchées, les vins sont somptueux. Grande personnalité, beaucoup de fruit, de sève, de minéralité. Des vins pleins et fougueux, d’un bel éclat ; c’est net, précis.  

En Rouge 2016, on est immédiatement frappé par la liberté fraîche d’une structure séveuse, longue et  juteuse. L’équilibre est sur le fil, la puissance est élégante et les vins paraissent aériens, comme en suspension, tout en présentant la belle architecture  athlétique à laquelle nous sommes habitués. De beaux fruits rouges et noirs, déjà quelques épices, le vin est encore brut, mais quel beau début ! Lorsque ce volume de bouche s’allongera au fil de l’élevage, ce sera délicieux et racé.  

Le Rosé 2016 dont nous venons de goûter l’assemblage, est fascinant par ses envolées : beaucoup de fruits rouges, comme la grenade, la fraise des bois ; des fruits à noyau comme l’abricot ou la cerise. Beaucoup de réglisse, sapide et sexy, de la sève,  encore, et une finale longue, presque salée. Une quintessence de rosé. Mais il y en a peu… 

Enfin, c’est le Blanc 2016 qui accuse la plus forte baisse en volume, puisque ce sont 30% qui manquent  à l’appel. C’est marquant. Dommage, car il est déjà remarquable de fraîcheur. Comme à son habitude, la  clairette majoritaire lui apporte finesse, longueur et  sapidité. Un nez tout en délicatesse, de fruits et fleurs blanches, quelques notes végétales nobles et élégantes. Toujours atypique, mais quelle signature ! 

BIO-DY-VIN ?

Vous le savez déjà, depuis 2004, nous nous sommes engagés à 100% dans la Culture Biologique. Au fil de ces 12 années passées, nous avons adapté nos méthodes de culture à nos sols, à la déclivité importante de nos coteaux suspendus, pour y parvenir.  Initialement, je n’imaginais pas demander la certification, considérant qu’il était évident, compte tenu de notre terroir, de mener les vignes ainsi. Je craignais d’en faire un argument commercial, alors que  notre démarche est plus intime, simplement axée sur  l’équilibre sol – vignes, et leur meilleure expression possible dans le raisin. Finalement, forts de cette  expérience, nous démarrons la certification cette  année. Ce serait dommage de s’en priver, même si le  label ne servira qu’à rassurer certains, au moins il sera apparent. La certification dure 3 ans, ce qui veut dire  que le millésime 2019 sera le 1er officiellement bio !
Conjointement, nous continuons à avancer… L’arrivée en janvier d’Eric, nouveau chef de culture, remplaçant de Louis, parti à la retraite (après 40 ans passés au Domaine), nous apporte une vraie compétence et des convictions fortes en matière de  Biodynamie. La transition est naturelle, presque évidente, la décennie bio nous conduit en toute logique vers cette nouvelle approche. Calquée sur les cycles lunaires et parfois moquée dans ces envolées astrales, il n’empêche que la biodynamie est aussi une méthode pragmatique et efficace. Compost dynamisé dans les sols, pulvérisations de préparations dynamisées (homéopathiques), pulvérisations de tisanes (ortie, prêle) sont les bases de cette culture. Elle reste la seule à pouvoir être décelée en dégustation : dans les vins, le gain en tension, en acidité, la baisse des pH sont unanimement reconnus et participent à leur élévation.

EXTRA : EPIDAURE 2015 - HENRI-CATH 2012

Après la réussite du renouvellement total des foudres commencé en 2010, nous voulions aller plus loin : créer une sorte de « wine-lab », pour explorer les voies alternatives d’élevage. Forts de l’expérience du nouveau Rosé Nuances, vinifié en partie en jarres de grès, et qui vient d’ailleurs de faire la couverture de Terre de Vins (n°44, Nov-Dec 2016), nous nous sommes lancés, en rouge, sur le 2015. Pour lui, nous avons choisi une amphore en terre cuite de 9 hl. Sa vinification est totalement atypique, car il n’a été  décuvé qu’en février (après 5 mois sous chapeau), sans aucun contact avec le bois (uniquement amphore ou jarres), et mis en bouteilles au bout d’un an, en septembre. Il est sans souffre. C’est une gageure, un risque, mais quel résultat ! Epidaure 2015 est flamboyant, fruité, aérien mais dense, il est très soyeux et jouit d’un équilibre totalement différent. Il offre une volupté et un vertige charnel vraiment savoureux. Quelques bouteilles à la vente, ici au Domaine.

En 2012, la parcelle Bel-Air, référence emblématique du Domaine par son altitude et ses vieux pieds de mourvèdre, était si belle que nous avons isolé et numéroté 999 magnum, pour en faire une cuvée particulière. Nous l’avons nommée Henri-Cath en hommage à mes parents, de manière évidente et  sincère. Une cuvée spéciale donc, qui exprime l’identité de Bel-Air, mais aussi unique, puisqu’elle n’a été élaborée qu’en 2012. Pour le moment, c’est la  seule. Le résultat est à la hauteur de ses inspirateurs,  d’une trame mythique. Certains magnum seront disponibles au printemps, vous les retrouverez à cette saison au tarif du caveau. 

CLASSIQUE ET BIENTOT MYTHIQUE…

Le Rouge 2014 est sudiste, dense, épicé, largement  réglissé et fruité. Il impose immédiatement un style très Pibarnon, long, bourré d’énergie, de densité et de finesse. Un vin qui va s’ouvrir largement au printemps pour 2 ou 3 années. 

Le Rouge 2013 est un condensé de fruits, de sucrosité, d’épices et d’une belle structure épaulée. Très belle  attaque, milieu de bouche idem, il lui manque juste  quelques mois pour que sa finale s’allonge. A boire sur  du cochon, du sanglier, du canard au sang, du pigeon. Commencer doucement au printemps. 

Le Rouge 2012 est au cœur de sa première phase d’ouverture, ample, long, fruité, minéral. Il s’ouvre avec bonheur sur presque tout ; ce n’est pas pour rien qu’il est coup de cœur de la RVF ce mois-ci. 

Le vin des Restanques de Pibarnon 2012 poursuit son opération de séduction sobre et personnelle depuis sa mise en bouteilles. Parfait pour les plats canailles, les déjeuners de chasse, les moments de partage et de complicité. Un style très « Pibarnon ».

Le Rosé Nuances 2015 est disponible depuis le début du mois d’octobre. J’en ai parlé l’année dernière, ce rosé pur mourvèdre vous sort des sentiers battus. Il est vinifié avec passion et beaucoup d’originalité, en foudre de chêne (très neutre) et jarres de grès. A boire doucement à température fraîche (mais surtout pas froide), sur du foie, des viandes blanches légèrement colorées d’épices. Un jus d’un immense classicisme lié à une vraie liberté, qui ouvre une voie royale vers la gastronomie. 

Le Rosé 2015 jouit toujours de sa fougue, son insolence et sa bonne éducation. Le mourvèdre y prend le pouvoir en ce moment et se prépare à le propulser dans la durée pour les prochaines années. Un régal pour les poissons de roche, la poutargue (j’ai une  excellente adresse à vous donner), le safran, etc. 

Enfin, le frayage amène des loups de méditerranée à point nommé sur les étals des pêcheurs. Profitez-en ! Cuisinez-les pour notre Blanc 2015, petit joyau de finesse saline et délicate, ourlée de fleurs et de fruits blancs. 

Vous le comprenez, l’actualité est riche au Domaine. Nous continuons à suivre les chemins de l’excellence, tant  en culture qu’en vinification, pour vous offrir toujours mieux et meilleur. Venez partager notre enthousiasme ici au caveau, ou explorez les méandres de notre site internet pour compléter votre collection de Pibarnon.
Je vous dis à bientôt. 

Eric de Saint-Victor

signature initiales
1 décembre 2016