A Pibarnon, décembre 2013

Chers Amis de Pibarnon,

C’est quasiment le sécateur à la main que je vous écris du haut de la Colline de Pibarnon. Les vendanges étaient si tardives cette année ! Exactement comme dans les années 80, quand nous commencions à peine à la mi-octobre. Une sorte de retour en arrière, peut-être, ou un flash-back, comme si la nature voulait arrêter le temps qui passe… L’arrêter ? Le suspendre ? Ou, simplement, saluer dans ce clin d’œil, le départ d’Henri, fondateur du Domaine.

2013 : UN TOURNANT

Et oui… en deux années à peine, le Domaine se retrouve orphelin de ses deux créateurs. Deux véritables défricheurs, infatigables bâtisseurs, créant à Pibarnon un présent, d’abord ingrat, puis un futur, plus civilisé et même un passé ! Car c’est bien là leur génie : avoir réussi à créer un Domaine emblématique en peu de temps, tout en le dotant dans l’imaginaire de chacun, d’un très long bagage et d’une grande antériorité… Magie du partage chez Henri de St Victor, que vous avez connu, j’en suis sûr, et dont vous avez certainement à l’esprit une des si nombreuses anecdotes dont il raffolait et qu’il partageait. 

Sa personnalité et son tempérament, en faisaient un homme hors du commun. Un homme de démesure pour certains, un homme de grande subtilité, aussi. Un homme d’humour, souvent potache, et même de canulars. On connaît le provocateur, le braconnier, le courageux, l’intransigeant. On aime le colosse, le passionné, l’enthousiaste, le bâtisseur, celui qui soulève des montagnes (et les fait parfois exploser !). Mais il y a aussi l’honnête homme, subtil et raffiné. L’homme de culture, dont la plume réjouit le lecteur de ses lettres très personnelles. Il y a son intérêt pour les autres, son goût pour la conversation. 

Ce qui est frappant, c’est qu’il a su concilier tout cela, avec Catherine, à Pibarnon. D’abord dans la création, puis dans la durée, mêlant tradition et modernité avec une belle fantaisie, une conviction inébranlable… 

Ce qu’ils nous laissent est bien plus qu’une entreprise, vous l’avez compris tout de suite. Ils nous lèguent un état d’esprit, une méthode, qui se sont ancrés progressivement mais profondément en chacun de nous, l’équipe, moi. Une équipe qui s’est étoffée au fil du temps et qui m’entoure parfaitement actuellement. Une équipe qui anticipe, qui réalise et qui s’investit, sur la foi de l’apprentissage acquis depuis des années à leur contact.

Mais ils nous lèguent aussi le goût du risque et l’envie de réaliser. Comme l’a dit Louis Audibert, chef de culture au Domaine depuis les premiers jours : « Je garderai de Monsieur de Saint Victor le souvenir d’un grand personnage, aussi bien par sa stature que par son charisme. Il m’a toujours subjugué par son assurance, son goût du risque, sa capacité à entreprendre des travaux gigantesques sur les terres de Pibarnon. C’était comme s’il jouait à un jeu de hasard : « tu perds ou tu gagnes » et lui, il osait et il gagnait ! ».

Enfin, ils nous lèguent le sens de l’humain, indissociable de cette création artisanale qu’est le vin. 

Un hommage à lire absolument : http://les5duvin.wordpress.com/2013/05/02/

LE MILLESIME 2013 …

Que dit la nature dans une année comme celle-ci ? Elle nous rappelle son influence, nous met à contribution sur cet acquis, justement. Elle nous confronte à des éléments que nous ne maîtrisons pas et avec lesquels il faut ruser, ne jamais nous avouer vaincus (et c’est ce que nous aimons). L’année a été bien arrosée, et nous ne voulions surtout pas en faire une année « à rosés ». Les maturités étaient particulièrement tardives, donc parfaitement adaptées à l’élaboration de grands vins rouges. Il fallait cependant pouvoir vendanger des raisins mûrs et sains. Ce qui nous a poussé à faire 2 équipes, une qui effeuille autour des grappes, qui trie, et une autre qui récolte 6 ou 7 jours plus tard, pour finir le 16 octobre.

Résultat : une production de Rouge 2013 un peu en baisse, mais qui offre des grands vins juteux, mûrs, bâtis, de grande garde. Ils sont marqués par les épices, la maniguette, la réglisse. Nous avons maintenant en cave des vins à élever, à guider pendant les prochains 20 mois..! Si vous passez au Domaine en semaine, nous aurons l’occasion de vous les faire goûter, parcelle par parcelle, avant l’assemblage qui se fera en avril 2015.

Le Rosé 2013 ressemble à s’y méprendre au 2012 : plein de chair, de fruits et d’arômes subtils de pulpe d’agrume, qui dominent pour le moment les fruits rouges. Encore tendu pour le moment, il va révéler sa chair et son gras dans quelques mois.

Quant au Blanc 2013, il succède parfaitement au 2012, salin, long, dense et délicatement bouqueté de fruits blancs. Un véritable phénomène, ce blanc !

Hommage Rouge 2012. Compte tenu des circons-tances, il n’est pas impossible que nous fassions une cuvée en hommage à Henri de Saint Victor. Nous verrons à la fin de l’élevage si cela se justifie. C’est certainement Bel Air, la plus haute parcelle et « l’âme » du Domaine, qui en sera la base (ou la totalité). Si elle est produite, ce sera uniquement en magnums, vus le charisme et la stature de son inspirateur…

RENDEZ - VOUS :
  • Le Grand Tasting. Carrousel du Louvre, Paris. Vendredi 6 et samedi 7 décembre 2013. Salon grand public à ne pas manquer en Région Parisienne. 
  • Avril 2014 : mise en bouteilles Rosé et Blanc 2013.
  • Juin 2014 : mise en bouteilles du Rouge 2012. Les primeurs seront disponibles à partir de cette date.
QUELQUES CITATIONS SAVOUREUSES :
  • Rosé 2012. « Julianne Moore contemple la Méditerranée depuis les terrasses de l’hôtel de la Chèvre d’Or (…) l’attaque est une immense vague composée de tilleul, de vanille, de framboise et de bourgeons de cassis (…) Rares sont les dames qui peuvent se targuer au cours de leur existence de passer de statut de lolita à celui de Pompadour. Le rosé de Pibarnon 2012 y parviendra, assurément ! ». France Art de Vivre nov-dec 2013.
  • Blanc 2012. « les grands vins blancs, c’est aussi dans le Sud (…) les plus aventureux le garderont encore quelques années ». Couverture du n° d’été 2013 de Gault&Millau.
  • Rouge 2010. « A Pibarnon, tout est bon ! ». Guide Bettane&Desseauve. 
BUVEZ-LES, GARDEZ-LES !

Les Restanques de Pibarnon 2010 et 2011.
Buvez-les, gardez-les. Ce sont des vins de partage par excellence (un beau fruit, une belle fraîcheur et beaucoup  de rondeur).Ils s’épanouiront sur vos belles viandes, ris de veau, cochons de lait, noix de veau, ou carrés d’agneau. Le tout agrémenté de quelques légumes de printemps, quelques champignons.

Le Rouge du Château de Pibarnon

  • Rouge 2010. Gardez-le. Il a fini par réussir à se fermer à la fin du printemps, sans tambour ni trompette, mais il faut le laisser une année entière sans y toucher. Vous retrouverez l’année prochaine sa magnifique minéralité et sa finesse puissante, racée, aristocratique.
  • Rouge 2009. Buvez-le, gardez-le. C’est un magnifique vin latin, puissant mais aussi tendre et savoureux. Un vin d’excellence, romanesque et noble. Boire sur du pigeon rôti, une côte de bœuf, un agneau, un canard.
  • Rouge 2008. Buvez-le, gardez-le. Il est superbe d’équilibre raffiné, aux épices poivrées, fruits noirs, légèrement réglissé, ainsi que tabac. Pour des plats fins, carnassiers, originaux.
  • Rouge 2007. Buvez-le, gardez-le. Ce vin appelle le sang. Il lui faut du gibier à poil (venaison, lièvre), des viandes rouges. Surtout, proposez-lui aussi quelques champignons nobles, il les met particulièrement en valeur.

Autres millésimes :

  • Le 2001, toujours aussi flamboyant, précis, et fin.
  • Le 2000, qui offre un joli bouquet, délicat et réglissé.
  • Le Grand 1998, dont je viens de savourer une bouteille aux arômes camphrés, épicés, balsamiques et de fruits des bois. 

Pibarnon entame une nouvelle étape. Une étape qui s’ouvre devant nous avec ses trésors du passé et ses vins actuels. Je vous propose d’ouvrir une belle bouteille de Pibarnon, un magnum, peut-être, accompagné de quelque rabasse, comme le dit si joliment Michel Smith, et de les partager simplement, à la mémoire de ces deux-là qui nous quittent et en hommage au futur qui s’ouvre devant nous. Un futur que nous souhaitons toujours radieux, créatif et que nous espérons partager avec vous, pour les millésimes que nous produirons. 

Je vous dis aussi à bientôt et je vous remercie de la confiance que vous nous accordez.
Je vous prie de croire, Chers Amis de Pibarnon, en l’expression de mes pensées les plus cordiales.

 

Eric de Saint-Victor

signature initiales
1 décembre 2013