Chers Amis de Pibarnon,
L’année dernière, nous fêtions la vinification du 40ème millésime de la famille au Domaine… Beaucoup de choses à évoquer, beaucoup de souvenirs nous remontaient à l’esprit, que nous partagions avec vous.
Aujourd’hui, une nouvelle décennie commence avec ce 2019, mon 30ème millésime au Domaine ! J’ai encore à l’esprit cette première vendange de 1989, vinifiant une année que nous appelions, à l’époque, caniculaire… Nous ne parlions pas encore de réchauffement climatique, c’était le début du défrichement du Grand Cirque d’Epidaure. Une période épique. Il faudra que je vous raconte un jour les péripéties pour arriver à terrasser cet amphithéâtre, pour aboutir à cette harmonie et cet ancrage majestueux. Quelle époque de pionniers ! Je me souviens avoir passé des nuits à refroidir les cuves qui fermentaient, dormant dans le haut de la cave, et vinifiant le jour … Tout cela pour obtenir un des plus beaux millésimes du (encore) jeune Domaine, sous les directives très précises d’Henri, mon père, qui vinifiait à travers moi tout en me formant aux subtilités du mourvèdre.
2019 marque aussi la certification officielle biologique du Domaine. Une formalité, puisque le travail était déjà fait à la vigne depuis longtemps, mais c’était devenu une nécessité pour valider ce travail artisanal. Vous verrez donc le logo « bio » sur les étiquettes de nos vins, à commencer dès l’année prochaine, par le blanc et le rosé. Il faudra attendre 2021 pour le rouge (2 ans d’élevage). Cette certification n’empêche pas la poursuite des expériences en biodynamie, qui commencent à porter leurs fruits, surtout en cette période de climat relativement extrême.
2019, année remarquable, mais dans la lignée des précédentes, malgré le réchauffement, malgré les alertes, mais conforme au discours alarmiste de Greta, avec notre culpabilité envers cette planète, qui nous porte. Cependant, quand on la choie, comme nous le faisons ici, à notre tout petit niveau de surface, nous « faisons notre part », comme le colibri qui tente d’éteindre l’incendie, avec quelques gouttes d’eau dans le bec. Sans vouloir la sanctuariser, mais simplement en la respectant, elle nous rend la somme de nos efforts. Et les équilibres se maintiennent. Heureusement que nous avons affaire au mourvèdre, ce sudiste frileux ! Oh, n’imaginons pas que cela soit facile ! J’ai connu une époque, passée, où la prière du soir, une veille de vendanges, était : « mon Dieu, faites que cela ne mûrisse pas trop tard… ». A l’heure actuelle, ce serait plutôt l’inverse. Efficacité de la prière ? Bonne conduite des façons culturales ? Toujours est-il que la fraîcheur continue à animer les vins que nous produisons.
2019 est un millésime en phase avec vos sensations, votre expérience du climat cette année. La pluie est tombée en abondance… mais d’octobre à janvier seulement ! Certes, ce sont tout de même 550mm qui ont arrosé les sols, mais une longue période sèche a suivi jusqu’aux vendanges. Bien entendu, l’état sanitaire du vignoble en a été exemplaire ; très peu de traitements, très peu d’actions, peu de labours pour empêcher l’évaporation de l’eau, créer une croûte en surface qui maintient l’humidité des sols. L’absence de précipitations au printemps a généré un effet assez bénéfique sur la vigne : peu de croissance verte, ce qui induit une régulation naturelle, soit une production adaptée aux capacités de la plante. Ce point est fascinant : afin de réduire le stress et de ne pas se retrouver en situation de blocage, la croissance ralentit, la production baisse. Et l’on retrouve une vigne qui s’autorégule, sans intervention de notre part.
Le rouge 2019 marque un retour aux sources, une inspiration puisée dans notre expérience et nos réussites passées. Cette année, nous avons beaucoup vinifié nos rouges en grappe entière (grappe non foulée, non éraflée), pour obtenir, non pas de la puissance tanique, oh non…Nos vins s’orientent vers la finesse, vous le savez, et les sols ainsi que le mourvèdre nous y aident bien. L’intérêt de la rafle est d’apporter une minéralité et une fraîcheur au vin, qu’un millésime comme celui-ci aurait pu masquer. La rafle permet d’entrer directement en contact avec le calcaire, donnant des vins structurés et amples, mais pas musclés ; au toucher de bouche délicat et sapide. A bonne maturité, elle s’intègre parfaitement dans cette construction équilibrée qui gagne en ampleur et en précision, pour obtenir des vins plus lumineux. Gageons que nous réussirons à le démontrer lorsque le vin sera disponible, à l’automne 2021.
Le rosé 2019 jouit encore une fois de cette merveilleuse texture et profondeur qui le signent depuis longtemps. Aux antipodes du rosé bling-bling, il gagnera en profondeur et subtilité, lorsque le Rosé 2018 sera épuisé au caveau, sans doute aux alentours du début d’été prochain. C’est très agréable pour nous de vous proposer ce vin avec une certaine maturité, qui lui fait gagner en finesse, en complexité, ainsi qu’en minéralité et en saveurs. Savoureux est bien le mot qui le définit le mieux, pour garnir vos belles tablées et le marier à la Méditerranée des saveurs et des épices.
Le blanc 2019 évolue cette année vers une définition cristalline, épurée, ciselée. Aérien et pourtant puissant, il est très frais et long en bouche. Il respectera avec délicatesse les Dentis, Loups ou Bars, les Langoustines ou les St-Jacques. En revanche, n’oubliez pas que sa production est faible et que nous sommes souvent en rupture à partir du mois d’août, n’hésitez pas à le commander en avance, dès le mois d’avril (ou dès maintenant, sur le bon de commande).
Les Restanques de Pibarnon.
Nous savons que vous plébiscitez aussi ce vin à juste titre, tant il est juteux, accessible et amical. Nous arrivons bientôt au seuil de pénurie du 2015, et il n’y aura pas de 2016 (les grenaches ont coulé et les mourvèdres ont été répartis dans le rosé). Ce seront donc les Restanques 2017 qui prendront la suite très bientôt, dans la même veine méditerranéenne et épicée. Peu de bouteilles disponibles pour ce millésime, soyez réactifs, si je puis me permettre.
Le Rouge du Château de Pibarnon.
Les millésimes récents montrent encore et toujours cette ampleur lumineuse que nous cherchons inlassablement en vinification. Ils restent hédonistes et sensuels, tout en affichant cette minéralité éclatante.
Les Rosés et le Blanc
Une fois de plus, la page est trop courte pour partager avec vous tout ce que nous avons à dire… Alors je vous invite à revenir au caveau pour évoquer cela ensemble, et vous souhaite de très joyeuses fêtes de fin d’année, tant pour la Nativité que le Jour de l’An, et mille et une occasions d’ouvrir et de partager des grands vins.
Bien cordiales pensées,
Eric de Saint-Victor